28 février 2014

もののあはれ - Mono no Aware Project #6



Paysage changeant.
Réalité altérée.
Rien n'est jamais figé, rien n'est jamais certain.


L'automne est la saison du passage.
Des miroirs. 
Des states.

La vie ressemble parfois à une accumulation.
Couche après couche. Entassement. 
Les piles du dessus s'écrasent sous le poids des ajouts successifs.

On oublie le substrat. 
Solide. 
Immuable. 

Pourtant sa nature, acide ou alcaline, influence tout. 
Ce qui pousse au dessus varie en fonction de cet invisible socle.

Dessus, cela pourrit. 
Dessous, tout en dessous,
cela vit aussi.

Les feuilles mortes protègent, 
à condition de ne jamais oublier sur quoi elles reposent.
Le printemps pointe déjà et je me surprends à des envies de ménage, 
de renouveau, de jardinage.





14 février 2014

もののあはれ - Mono no Aware Project #5


Cette semaine, pour le projet Mono No Aware, je vous propose un changement de décor; les cliches suivants ont été pris à Lyon, en novembre, au Parc de la Tête d'Or.





Une réminiscence de l'automne tardive, mourante.
De cette automne qui s'accroche encore sous la pluie grise.

Une lumière sale.
Un vent piquant.

La feuille amputée de son arbre s'agite faiblement,
Dernier battement humide avant la chute.

Le sol boueux attend.

Pourtant, sur la peau nervurée, brille un joyau timide.
Dernier trésor.








7 février 2014

もののあはれ - Mono no Aware Project #4 : Où comment j'ai été alpagé par un gardien de cimetière.



La magie est dans les petites choses. Il suffit de changer son regard. Changer son point de vue sur le quotidien.
Plisser les yeux, se forcer à voir flou.

Je suis née avec des yeux foutus. Ou presque.

Très myope et très astigmate. J'ai eu mes premières lunettes pour aller à l'école. Avant mes trois ans, j'évoluais dans un monde différent, sans notion de distance, de plan. Un monde mouvant de bokeh et de courbes, de lignes brouillées qui s'enchevêtrent, un monde où le sol se dérobe et où les obstacles surgissent.

Cette vision déficiente explique peut-être pourquoi ma sensibilité artistique première s'est portée sur les images abstraites. Je suis arrivée à apprécier le figuratif en passant par la case "impressionniste".

Aujourd'hui encore, même si j'aime les lignes pures et simples de certains travaux graphiques, rien ne me plait plus qu'une illustration ou une peinture avec une zone de floue, une zone indéfinie où l'imagination se perd.



En photo, je suis fascinée par les reflets et la déformation du réel qu'ils proposent. Le verre et l'eau sont des surfaces miroir joueuses. Pour capturer l'image, il faut le bon éclairage, le bon angle. Le reflet se mérite. Pour le capturer, j'oublie le sujet initial. Le reflet devient la seule réalité tangible.

Ce type de travail demande de la concentration. J'aime bien me couper du monde avec de la musique dans les oreilles. Ce jour-là, au cimetière du Père-Lachaise, perdue dans l'image, je n'ai pas entendu les appels répétés du gardien.

Il faut dire qu'à être à demi-allongée sur une tombe pendant une quart d'heure, en novembre, à la tombée de la nuit, il n'est pas surprenant d'attirer l'attention de la sécurité. Surtout quand on ignore sa présence. En final, le monsieur a dû me taper sur l'épaule pour attirer mon attention. Comme mon appareil photo est un compact assez petit, il ne voyait pas du tout ce que je pouvais fabriquer.

J'ai eu un instant de panique.

Je suis du genre à respecter la loi à la lettre... sauf quand il s'agit de prendre des photos. Là, la seule chose importante, c'est l'image. Voilà pourquoi La Moustache craint toujours que je tombe à la flotte où que je me fasse rouler dessus quand je suis absorbée dans ma capture.

Comment expliquer au gardien - déjà passablement énervé - que je ne faisais rien de répréhensible et rien d'irrespectueux ? Après un interminable moment de flottement où mon pauvre cerveaux tentait de se reconnecter au monde, j'ai décidé de lui montrer.
Impossible de dire, alors autant utiliser l'image.
Le gardien a été très intrigué. Alors, il a fini lui aussi par se trainer sur la tombe pour saisir ce reflet qui me passionnait tant.
C'était assez cocasse.

Il s'est excusé de son zèle, je me suis excusée de mon manque de réactivité.
Je suis repartie en chasse.
Il est reparti surveiller, le sourire aux lèvres.

6 février 2014

Écrire, au péril de soi (ou presque)


Sans dead-line, sans objectif, sans discipline, impossible de sortir des mots. Impossible d'avancer. Je suis de ceux qui, à l'école, attendait la veille pour faire leur rédaction. Pourtant, j'aimais écrire. Je réfléchissais au sujet à peine les devoirs étaient donnés par le professeur.
La difficulté ne réside ni dans le plan, ni dans l'élaboration mais dans le "faire". Où, plus exactement, dans cet espace mental fragile et évanescent où je prends la décision de "m'y coller". M'y mettre.

Marcher sur l'air


Ce espace temporel est un gouffre.
Avant, tout est virtuel, les mots sont là, dans la pensée. Après, je suis assise à mon bureau, au travail. C'est dans ce laps de temps que tout ce joue, tout bascule. Il existe des trucs, des mécanismes simples pour inviter l'inspiration et combattre une concentration erratique. Il faut être en condition, le ventre plein - sinon la tentation de se lever pour grignoter est grande - la musique adéquate ou le silence profond, l'éclairage optimal, la boisson favorite - un thé et sa tasse assortie. Une fois le rituel accompli, enfin, les mots passent du cerveau au bout des doigts.

Pourtant, la terreur est toujours là.
Quelque soit l'expérience, quelque soit les précautions d'usage, j'ai souvent l'impression décourageante que m'y coller, m'y mettre, sera toujours un combat. J'essaye de penser au plaisir qui vient après, une fois le robinet à phrases est ouvert en grand. Quand le texte coule à flots joyeux. Quand les hésitations et l'auto-censure sont noyées par les idées, la joie sincère et ravageuse d'écrire. Quand les émotions m'habitent fortes et fluctuantes.



À chaque fois, c'est le même cirque. La procrastination guette. La confiance s'évapore. Le gouffre s'approche, sombre et insondable. Il faut commencer à le traverser pour que le pont suspendu invisible de l'inspiration prenne le relais de cette angoisse familière. La confiance donne des ailes, littéralement. Après, même si écrire n'est pas facile, écrire devient heureux.

Avec plus de 20 chapitres dans les pattes, plus de 120 000 mots au compteurs, relus avec soin et déjà soumis aux regards scrutateurs d'amies (plus ou moins) objectives, je pensais que ce foutu moment horrible et flippant allait disparaître. Que je pourrais m'assoir sans peur, me mettre à écrire. Mais non.
C'est l'inverse. Plus la fin approche et plus ma terreur grandit ; tant et si bien que je me retrouve ralentie, presque à l’arrêt.


 

Quand le sprint se transforme en marathon


Je voulais finir mon roman pour la fin de l'année. Je suis tombé sur un os. Ou plutôt un tas d'os. Un squelette complet même, probablement de dinosaure, vu le retard que j'ai accumulé. Plus qu'un seul chapitre. Un foutu chapitre dont le déroulé est déjà écrit.
Et ça coince.

Ça coince tellement que mon corps est parti en vrille. Toujours aimable et réactif quand il s'agit de me signaler mes égarements : névralgie aiguë additionnée à toutes les saloperies possibles. Quitte à être malade autant cumuler, histoire d'être certaine que je me trouve physiquement dans l'incapacité d'écrire. Somatisation mon amie.

Aujourd'hui, ça va mieux.
Après dix jours de pause à me pâmer sur les qualité de remboursement de ma mutuelle, je retrouve enfin la capacité physique à me mettre au travail. Au passage, je tiens à remercier tout ceux qui me soutienne via le blog, facebook et autres réseaux sociaux. Certes, je perds du temps à glandouiller par là, mais je trouve aussi de la motivation et du courage.


Ceci était un article totalement narcissique et pas vraiment constructif, si vous l'avez lu jusqu'au bout, je suis quand même surprise !


Les photos ont été prises dans les Vosges, à Saint-Maurice-sur-Moselle, un petit matin de septembre. D'autres clichés sont à voir ici :
- http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/12/bleu-mouille-et-bleu-vibrant-laurore.html
 - http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/10/des-chevaux-dans-les-pres.html