24 décembre 2014

Joyeuses fêtes sous la lumière bleuté des illuminations de Nice



Je suis partie quelques jours à Nice mi-décembre. Le soir, j'ai profité d'un temps clément pour vadrouiller dans la vielle ville, arpenter la nouvelle coulée verte et admirer les illuminations de Noël.

Cette année, un hommage est fait au Casino "Jetée-Promenade", une curiosité architecturale détruite durant la seconde guerre mondiale (http://www.nissalabella.net/lejetee.htm). C'était une réplique du Crystal Palace de Londres, construite sur l'eau. Depuis, les lois d'occupation du littoral ont changé et ne permettent plus d'ériger un tel bâtiment.

Il ne reste de la Jetée-Promenade que des photos et les souvenirs vagues. En passant sur la Prom où se tient une exposition, ma mère s'est arrêtée. Elle a regardé l'horizon rougit du crépuscule. Elle avait neufs ans quand le Casino a été détruit. Avec un sourire, transie par le vent de décembre, elle m'a dit surprise "Cela fait bien longtemps que je n'y avais pas pensé". Dans quelques jours, ma mère aura 80 ans.

Cette année, la ville de Nice ressuscite pour quelques semaines, la gloire du passée avec une armature métallique illuminée d'une myriade de diodes. Une Jetée-Promenade de lumière pour raviver les mémoires des anciens et plonger les jeunes et les touristes dans la magie surannée d'un temps révolu.

Très belles fêtes à tous !










19 décembre 2014

La BD Adam Clarks : un polar de haute volée au charme rétro


Adam Clarks est un play-boy, un requin de la jet-set vain et affamé qui sous ses atours de chroniqueur mondain dissimule un cambrioleur aussi cynique que séduisant. Hélas, son talent a attiré l'attention de personnes encore moins scrupuleuses que lui et bientôt, il va se retrouver dans une situation très délicate.

Le charme des hommes dangereux


La BD Adam Clarks, scénarisée par Régis Hautière et dessinée par Antonio Lapone, souffle un air nouveau sur les étales des libraires : avec son très grand format et son graphisme particulier, elle nous propose une plongée dans un XXIème siècle imaginaire où le bloc soviétique perdure.
Dans une ambiance des années 50 et 60 pimentée d'éléments futuristes délicieusement rétro, nous suivons les aventures d'un élégant salopard prit malgré lui dans les intrigues de la guerre froide.

Adam Clarks ne peut résister à l'appel d'un objet de luxe, non pas par amour de l'art, comme Arsène Lupin, mais par le désir concupiscent de posséder ceux qui attisent les convoitises. Un énorme rubis présenté lors d'une soirée sélecte est le parfait piège pour l'attirer. D'autant que la belle Irina semble lui donner le parfait alibi pour le disculper du vol. Bientôt, notre cambrioleur est pris entre deux feux et devra faire preuve de perspicacité et de roublardise pour se sortir du traquenard dans lequel son ambition l'a fourré. Heureusement, Adam Clarks est un homme de ressources...




Du polar classique sublimé par un dessin stylé


Malgré l'attirail - armes et gadgets - Adam Clark n'est pas James Bond. Ni patriote ni fidèle à une quelconque morale, il est un parfait salopard, terriblement malin et très séduisant. Ce personnage complexe donne toute sa dimension à l'intrigue, assez classique. Le choix de la narration est audacieux : un présentateur s'immisce dans les cases et s'adresse directement au lecteur. Les auteurs ont choisi de faire un clin d’œil à la série TV Twilight Zone et à son conteur, l'acteur Rod Serling. On retrouve d'ailleurs son étrangeté cruelle dans le récit d'Adam Clarks.

Outre le choix de l'uchronie, et de la narration, l'action se déroule dans la ville de Majestic City, une vision déformée et fantasmée de New York comme l'est Gotham. La grande originalité de cette BD réside dans son dessin et son travail graphique. Il s'agit d'un concept album où l'objet et son contenu forment un tout homogène et nous transportent dans le monde d'Adam Clarks. Cette attention particulière portée au livre vient d'une volonté de l'éditeur, la taille - 29 x 37 cm - met en valeur le dessin d'Antonio. D'autant que ce dernier a fait ses armes comme affichiste publicitaire, un domaine où le packaging est aussi important que le produit qu'il abrite.




Le dessin d'Antonio est original. Il appartient à la mouvance « atome » de la ligne claire, en référence au design de l'Atomium, à Bruxelles. Très anguleux, ce dessin allie des lignes brisées à la pureté des courbes. Leur rareté les rendant encore plus sensuelles. Classieux et simple, le trait s'inscrit dans une écriture favorisant l'horizontalité. Le format autorise les variations du découpage et la présence de petites cases sans perdre de la lisibilité. La mise en couleur frise le génie par la justesse de sa gamme très spartiate. Quelques touches de couleurs suffisent à donner vie à la nuit, au froid et à cette galerie de personnages ambigus. On passe du chic au violent, du feutré au brutal avec l'impression prégnante de remonter dans le temps.

Le résultat est une BD ovni, d'une grande qualité graphique, avec une narration efficace, des dialogues justes et dynamiques. Une fois l'histoire dévorée, l'ouvrage flirte avec le livre d'art, qu'on feuille juste pour son esthétique léchée et son ambiance nostalgique et jazzie.



Le piège parfait !


Antonio Lapone fait parti de ces dessinateurs hors-normes dont le style graphique ne peut pas laisser indifférent. La première fois que j'ai découvert ses travaux, au festival BD de Ligugé, j'ai été totalement déroutée. Les angles saillants de ses dessins et l'économie de l'utilisation des couleurs m'a tellement surprise que j'étais bien incapable de savoir si j'appréciais ou non. Cependant, la qualité du style m'avait immédiatement apparu comme évidente. J'ai donc vaillamment résisté à l'achat d'autant que ce festival est toujours synonyme de Bérézina bancaire.

Le souci, c'est qu'outre le fait qu'Antonio est un dessinateur talentueux, c'est aussi une personne adorable avec une compagne également adorable (avec un caractère bien trempée !). Difficile de ne pas craquer quand on apprécie non seulement l'artiste mais aussi la personne qui tient le crayon.
Biensûr, j'ai choisi de m'offrir sa dernière BD, celle au format aberrant qui ne rentre pas dans la bibliothèque. Je savais que le dessin était bon, par contre, je n'imaginais pas que l'histoire son illustration me séduirait autant. Il ne me reste plus qu'à investir dans les autres. C'est mon libraire qui va être content...

Le blog d'Antonio Lapone
http://laponeart.blogspot.fr

Pour acheter un original de la BD :
http://www.galerie-glenat.com/categorie-%C5%93uvre/auteurs/auteurs-lapone-antonio

Le blog de Regis Hautière :
http://aspirine.canalblog.com

Voir les 10 premières page de la BD :
http://www.bdgest.com/preview-1579-BD-adam-clarks-recit-complet.html



17 décembre 2014

Tokyo infra-ordinaire : la poésie du métro japonais par Jacques Roubaud


Au milieu des années quatre-vingt-dix, le poète Jacques Roubaud, membre de l'Oulipo, a promené son regard perçant à Tokyo, depuis la ligne circulaire de métro de Yamanote qui contemple la ville de haut. Un recueil de ses écrits vient d'être réédité chez le Tripod, une maison indépendante qui soigne particulièrement la maquette de ses ouvrages.

Tokyo infra-ordinaire  est d'abord un objet livre, proche de l'objet d'art : il existe en effet quatre couvertures qui sont chacune des propositions nées suite à la lecture du texte par quatre artistes différents. J'ai choisi celle intitulée « jardin » qui a capturé mon attention dans une petite librairie du XVIIIème où j'étais fermement décider à ne pas dépenser un centime...

Le texte est de plusieurs couleurs et avec des indentations variables qui respectent scrupuleusement la mise en page du manuscrit originale. La poésie est dans les mots mais aussi dans leur agencement, leur teinte, leur position


Si vous n'avez jamais lu de poésie contemporaine, abandonnez toute idée préconçue.  Ici, point de rime et de vers qui obéissent à des règles ancestrales. Laissez vous emmener par la magie des phrases et la force des images. En lisant Tokyo infra-électrique je me suis trouvée transportée dans la Yamanote. Son bercement doux, les vibrations, le flux d'humain, les petites musiques spécifiques à chaque station, le balancement des accroches en plastique qui pendent des barres de métal.


Jacques Roubaud nous propose un voyage ordinaire dans un quotidien du Japon que les touristes avides d'exotismes tendent à remarquer avant d'aussitôt d'oublier les détails au profit de lieux et d'impressions plus dépaysantes, plus grandioses. Pourtant, ce sont ces minuscules différences qui font toute l'originalité et l'âme d'un endroit. Jacques Roubaud s'attarde sur le superflu, le commun, le terne.


Il soumet son regard à ses propres règles de composition qu'il définit (invente) en début d'ouvrage comme, par exemple, de composer un poème entre deux stations de métro quand la rame roule. Il nous parle de ses découvertes dans la boutique Toto, le célèbre fabriquant de toilettes, des horloges Daimiyo qui mesurent le temps en fonction de la durée du jour et dont les heures ont une durée fluctuante, il rencontre une coccinelle passager clandestin... Autant de moments et d'anecdotes drôles, tendres et surprenantes de ce Japon qui se vit et se contemple plus qu'il ne se visite.

Difficile de résumer cet ouvrage tant il est à la fois hétéroclite et homogène. Il rassemble des morceaux de textes à l'ambiance et au style très différents pourtant, il s'inscrit dans une continuité de regard et d'observation.
Un livre de poésie qui séduira les amateurs du genre mais aussi les amoureux du Japon qui ont envie de découvrir Tôkyô d'une autre façon.



Une série de vidéos avec Jacques Roubaud :
https://www.youtube.com/watch?v=nRAd9a411p0
https://www.youtube.com/watch?v=LUxcuFkrBj8
https://www.youtube.com/watch?v=C2DeCgnO-is

La fiche du livre chez l'éditeur :
http://le-tripode.net/livre/jacques-roubaud/tokyo-infra-ordinaire

La biographie de Jacques Roubaud :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Roubaud

3 décembre 2014

Cha La La : quand les matous swinguent !


Maestro est un matou chef d'orchestre. Pour fêter dignement l'arrivée du printemps, il décide de rassembler des amis des quatre coins du Japon afin de former un orchestre éphémère. Un petit oiseau nous guide dans ce livre et nous présente chaque musicien et son instrument.

Chat-misen ?

Sophie Cavaliero, auteur spécialisée dans l'art contemporain et passionnée de Japon, s'associe avec l’illustratrice et réalisatrice de film d'animation, Haruna Kishi, pour signer Cha La La. C'est un livre jeunesse adorable et pédagogique autour de la musique, éditer chez Le petit Lézard.

L'ouvrage à la particularité d'être bilingue français-japonais et d'établir un dialogue avec les enfants. C'est aussi l'occasion de découvrir quelques lieux touristiques du Japon (avec une carte) ainsi que des instruments de musiques typiques (accompagné par un court historique), dont l'étrange mélodica.

Il s'agit d'un instrument entre le piano et l’harmonica que tout les écoliers Japonais connaissent bien puisque son apprentissage est très largement enseigné, un peu comme la flute chez nous.


Illustration de Haruna Kishi




Melodica, Biwa, et cetera...

Les dessins de Haruna Kishi sont délicieusement naïfs et tendres. Elle croque des matous très expressifs avec un graphisme personnel, rond et doux. Elle travaille en alliant des techniques traditionnelles ainsi qu'avec l'outil informatique. Sa mise en couleur de type aquarelle garde toute la chaleur et la spontanéité du croquis. Ses illustrations sont dynamiques, vivantes, toujours avec des petits détails très spécifiques à la culture japonaise. Cependant, ce livre reste d'abord une histoire accessible à tous, particulièrement pour les mélomanes de tous poils.


Illustration de Haruna Kishi


Cha la la est un très joli album illustré, intelligent, qui transmet à la fois l'amour de ses deux auteurs pour le Japon, les chats et la musique, quelque soit ses origines et les époques. En effet, même si de nombreux instruments présentés sont traditionnels, ils sont toujours utilisés de nos jours et permettent même de jouer des genres très actuels comme le jazz. Venez donc découvrir ce joyeux orchestres de minous !

Le site de Haruna Kishi :
http://cargocollective.com/harunakishi

Le site de Sophie Cavaliero :
http://www.sophiecavaliero.com

Haruna, en dédicace (photo de Sophie Cavaliero)