Bye-bye

 

Passage d'une année à l'autre alors que je piétine, trépigne et traîne mon vague à l'âme depuis un temps qui s'étire. Épuisée d'être moi, las de tristesse et d'espoirs déçus, je lâche. 

J'accepte la perte, l'absence et les contraintes imposées par une situation que je ne maîtrise pas.

 
Mes mots sur la toile, revendiqués, signés sont devenus des armes dans un conflit subi. Cet automne mon ex-compagnon s'est servi de capture d'écran de ce blog contre moi. L'auto censure me cisaillait déjà les entrailles mais, suite à cet épisode assez sordide, le sifflet est coupé.

Alors, après un silence de tourments, je lâche. Je lâche la pression et les efforts constant pour aller mieux, je lâche mes tentatives de mettre en place habitudes et routines dans un quotidien vrillé. Je n'en peux plus du combat contre moi-même, mon état, et cette foutue dépression. Je laisse les pro s'occuper du bazar.

Moi, je lâche la rampe. Je lâche du leste. 
Je lâche mon nom et mon identité.

Je commence l'année par clore une porte, celle de cet espace qui a perdu sa liberté, sa raison d'être. 
 
Je reste active sur mon instagram. Pour l'instant, le blog reste en ligne, mais je me réserve la possibilité d'un nettoyage par le vide. 

J'ose à peine évoquer l'année nouvelle, car je sais que pour beaucoup, l'espoir a déserté le navire.
 
Je vous souhaite simplement de trouver des solutions de vous préserver sans abîmer les autres, de vous aimer et prendre soin de vous, cependant sans oublier ceux qui vivent à vos côtés, même ces crétins anonymes que vous croisez dans la rue, sur le quai, dans l’ascenseur.
 
L'altérité reste la plus belle richesse, des croyances et des pensées. Parfois, elle nous bouscule, elle nous choque, elle nous révolte. Les chemins se divisent, infinis, creusés dans les sables mouvants. Parfois, ils s'éloignent à jamais, parfois, ils se fusionnent un temps, se croisent, s’entremêlent, s'estompent ou se perdent.

Je continue le mien, vacillante certes, avec lenteur, mais toujours en prenant ce plaisir miraculeux de regarder et d'écouter le monde. Je vous souhaite à toutes et tous, de contempler, même si la vie secoue, même si l'angoisse et le brouhaha du monde étouffe vos émotions, contemplez ! Un cailloux, un doigt de pied, un poil, un nuage, un file d'huile d'olive, une plume, une tache de rouille, une croûte, une pellicule, un grain, une graine... contemplez.
 
Nous sommes vivants.










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Hiatus

Six mois exactement, une demi-année de silence ici, de mots étouffés par la crainte qu'ils soient volés, détournés… Si je n’ai pas de contrôle sur les émotions que mes propos suscitent, leurs conséquences bien concrètes m’ont conduite à me taire, dans les circonstances actuelles de ma vie. 
Ce blog va prendre une direction un peu différente, moins personnelle, tant que je ne me sentirai pas libre de m’exprimer. J’espère que ce recul nécessaire n’aura pas conduit à une désertion totale de mon maigre lectorat. 
Merci à celles et ceux qui continuent de passer par ici.

 

 

Sur le marbre les vivants déposent leurs chrysanthèmes,
tandis que sous la terre dorment les graines du printemps
Premier novembre.
 
 
 

 


Photos prise au cimetière du Père Lachaise



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Joli mois de mai ?

 

Tête courbée et pieds nus,

Caressé par la pluie de mai

Un brin de muguet



Dans la jardinière délaissée

Pile à l'heure pour le premier

Le bouton se fendille



Résonne encore 

Le glas de l'an passée

Printemps amer



Les clochettes retardataires

Sous l'orage chantent des vies

Futures



Merci à toi lecteur curieux d'être passé dans ce désert.







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Grammaire de l’imagination de Gianni Rodari – Introduction à l’art d’inventer des histoires.


En ouvrant cet ouvrage, je m’attendais à un livre sur l’écriture et la fabrication d’histoires. Je me suis trompée sur le premier et le second sujet n’y est pas traité sous l’ange que j’espérais. La préface, rédigée par le traducteur français m’a tellement dérouté que je me suis arrêtée. Le livre a été proposé au programme d’un atelier de lecture par la personne qui m’en avait vanté les mérites (merci David). Cette fois, motivée par une possibilité d’échange, je me suis lancée dans la lecture, passionnante et souvent drôle, de ce bouquin inclassable.


Nourrir son imaginaire


Grammaire de l’imagination s’adresse en priorité aux parents et personnes qui travaillent avec des enfants. Une catégorie à laquelle je ne me sens ni légitime ni à l’aise pour revendiquer une quelconque affiliation. Pourtant, nous sommes tous d’ancien (ou moins ancien) enfant. Et l’imagination, la créativité, se nourrit d’un regard sur le monde capable de cultiver l’enthousiasme et la curiosité.

Si vous êtes un peu artiste, si vous aimez les histoires, ou si vous voulez développer votre imaginaire ou celui d’enfants, je vous encourage à ouvrir ce livre, avec moins de préjugés que moi ! Gianni Rodari propose en 45 chapitres une série d’exercices et de réflexions très pragmatiques, illustrées d’exemples pour affûter notre capacité à appréhender le monde tout en s’émancipant de ses règles souvent aliénantes.

Les courts chapitres s’enchaînent et construisent une pensée : l’auteur part souvent de son expérience vécu avec des enfants, donc d’une approche concrète, pour arriver à dégager des mécanismes généraux et des concepts, jusqu’à développer une réflexion philosophique sur l’importance de l’imagination dans notre monde. Paru en 1973 en Italie par un homme ayant connu les affres de la seconde guerre mondiale (il est né en 1920), son contenu reste très actuel.


Un ouvrage éclectique et amusant


Le début aborde des ateliers d’écriture à destination des enfants avec des exemples d’exercices souvent assez savoureux. Ces outils de développement de l’imagination (par association d’images et d’idées et jeu sur les sonorités) évoquent le surréalisme et le dadaïsme avec des textes d’apparence absurde et qui éveillent à une poétique débridée et libre, une base qui permet de s’initier notamment au réalisme magique. Rodari propose différentes constructions pour des textes très courts, de l’historiette au poème, à la devinette.

Ensuite, dans l’auteur travaille sur le conte, une matière très riche qu’il aborde de façon toujours très pratique et ludique en expliquant sa structure. Ce travail d’analyse a comme visée l’appropriation de la fabrication du conte et aussi l’ouverture sur un jeu avec des variations.

L’adulte apprend à l’enfant et si ce dernier est actif, il reste encadré par des propositions créatives. Au fil du texte, Rodari prend du recul et s’interroge sur le dialogue qui se tisse entre l’enfant et l’histoire qu’il fabrique. Il aborde le jeu, de l’imagination et de leurs impacts combinés sur la vision du monde. L’histoire devient un support pour les relations humaines et pour appréhender l’environnement. Il inclut dans son questionnement le tabou et la transgression (sexe et fonctions corporelles) décrits comme nécessités pour apprendre à remettre en cause l’autorité, à réfléchir par soi-même et à éviter l’écueil de l’auto-censure.

Enfin, il prend encore du recul et observe l’enfant dans son appréhension de l’histoire, dans sa façon de se l’approprier, d’interagir, de la poursuivre. L’enfant devient actif à partir d’une narration d’autrui. On passe d’une création imaginative débridé à un travail avec une contrainte forte mais où la créativité a toute sa place.

Le dernier chapitre dévoile enfin l’objectif du livre : enrichir d’expériences stimulantes le milieu où l’enfant évolue afin de développer sa créativité, pour changer le monde. La dimension politique assez idéaliste de l’auteur (et à mon goût très touchant et belle sur sa vision de l’humanité future) s’affirme alors.

Rodari étudie le jeu des enfants avec curiosité et tente de l’analyser pour en comprendre les processus inconscients. Cependant, ses interprétations psychanalytiques me laissent dubitative quant à leur véracité scientifique. Elles demeurent stimulantes sur le plan d’une réflexion intellectuelle. C’est l’unique bémol de ce livre, très riche pour cultiver son imaginaire, même lorsqu’on est adulte et sans enfant.


Lien :

Un autre article sur le sujet par le libraire deCharybde (Ground Control, Paris)



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La Fête des Ombres par l’Atelier Sentô, avis et entretien

 

 Source : https://blog.ateliersento.com

 

Dans un paysage noyé de brume, une jeune femme tient bien serré la main d’une enfant. Quand le vent dissipe les nuées, la fillette a disparu. Le souvenir de cette perte hante Naoko. Il ne s’agissait pas d’une enfant comme les autres, c’était une ombre, la trace amnésique d’un être qui fut vivant. Déjà, une autre ombre prends la place à ses côtés. 

 

Naoko, entre morts et vivants


La BD La Fête des ombres nous raconte l’étrange histoire de Naoko et de son quotidien dans un village reculé du Japon rural où la population décline et le maintien des coutumes est menacé. Les auteurs de l’atelier Sentô, Cécile Brun et Olivier Pinchard, signent un nouveau livre poignant. On reconnaît leur style graphique et leur découpage si particulier qui change notre rapport au temps. Ce récit mystérieux prend un chemin de traverse. Avec lenteur et tranquillité, on suit l’héroïne que l’on découvre par touche, grâce à l’incorporation de scènes de flash-back. L’élément fantastique apparaît comme un poids, une entrave pour la jeune femme. Elle porte le fardeau d’un devoir conséquence d’un don surprenant : elle a toujours pu voir des entités bizarres qui évoluent dans ce village et la campagne environnante. Lors de la fête des ombres, au cœur de l’été, certaines apparaissent à des habitants et ils en ont alors la charge pour une année. Il leur appartient de discuter avec elles, de les aider à se souvenir de leur identité afin qu’elles poursuivent leur voyage.

Mis à part Katsu, un jeune homme compétent en informatique qui aide aux recherches, Naoko est entourée de personnes âgées, de gens qui l’ont connu enfant et ne réalisent pas toujours qu’elle est maintenant une adulte. Sa mère voulait qu’elle parte, qu’elle ne reprenne pas le flambeau de cette mission, et pourtant, elle est toujours là, seule, dans la demeure familiale…

Le récit commence à la fin de l’été. Le passage des saisons, très marquées au Japon, scande les étapes de la vie de Naoko. Elle habite une maison traditionnelle en bois, ce type d’habitation rend le quotidien bien plus perméable aux actions des éléments, vent, pluie, humidité et froid s’immiscent à l’intérieur. Et puis, il y a la douceur du soleil qui chauffe la coursive. La frontière entre le dedans et le dehors, la vie et la mort semble soudain floue. D’autres ombres errent aussi, monstrueuses, elles ont oublié jusqu’à leur humanité. Ces âmes en peine affamées effrayent et bouleversent. Crainte et compassion se partagent ainsi le cœur du lecteur.

Cette BD aborde frontalement la question de la perte, du deuil mais aussi, ce qu’il reste lorsqu’une personne a disparu. Si la mère de Naoko n’est pas revenue comme ombre, sa présence et ses désirs, pèsent toujours sur la jeune femme. La mort rôde, incarnée dans les corps chétif et rabougris des petits vieux, étonnamment vigoureux et pourtant si fragile. Naoko sait qu’elle ne devrait pas s’attacher aux ombres, mais dès la scène d’ouverture, le lecteur comprend que c’est impossible pour elle. Empathique et généreuse, Naoko tisse des liens forts avec ceux qu’elle côtoie. Ce jeune homme dont elle doit retrouver l’identité et qui apparaît incolore, insipide, gagne en substance au fur et à mesure des pages. Qu’adviendra-t-il si ses souvenirs ne reviennent pas ?

Justesse des mots et des ambiances


Si j’ai trouvé la fin attendue, la force du livre vient de son traitement du sujet, de la normalisation de l’élément fantastique, et de ce qui est dit sur le rapport à la mort, son intrication dans le quotidien. Les ombres ne sont pas des fantômes désincarnés mais des êtres avec une action sur le monde, une possibilité de contact physique. Les ombres peuvent sentir, toucher.

La présence des petits vieux, invisibles dans notre société, à mon moins d’être soignant où aidant (ou vivre sur la Côte d’Azur !) saute aux yeux lorsqu’on voyage dans la campagne japonaise. Il s’agit d’un des aspects les plus frappants du Japon : le vieillissement de sa population. La ville dessinée par l’atelier Sentô s’anime : sa galerie commerçante couverte barrée des rideaux de fer des boutiques fermées, le temple perché sur les hauteurs accessibles en grimpant des escaliers raides, le sentô, la maison de Naoko en lisière de forêt…

Le résultat est saisissant de réalisme, avec un choix graphique lâché presque naïf. Le contraste réside dans le décalage entre les personnages, au design flirtant avec la caricature, et le détail minutieux des décors. Cette juxtaposition d’imprécisions et de justesse donne une vie incroyable au dessin dans un style qui m’évoque par sa force d’évocation sensorielle, celui de Florent Chavouet. Le travail de couleur rend les plats appétissants, les joues roses d’émotion, la profondeur de la nuit palpable. La maîtrise de la construction narrative s’accompagne des ambiances de couleurs travaillées, avec une indication claire du passage du temps. La lisibilité du dessin grâce à un encrage efficace conserve aussi l’énergie des croquis. L’atelier Sentô réussit ce tour de force de transcrire avec réalisme et onirisme le Japon rural des petites gens, ce Japon qui agonise doucement, sans se plaindre et pousse même la vie vers les grandes villes, en encourage les jeunes à étudier, à partir. Mais certains et certaines, comme Naoko, restent, parfois sans savoir pourquoi.

Et de belles histoires s’enracinent. Du cœur, des tripes, des cendres et beaucoup de joie et tristesse, côte à côte, main dans la main, sans se lâcher.

 

 Source : https://blog.ateliersento.com


Entretien avec les auteurs de l’Atelier Sento

 

Vous aimez la campagne, au Japon comme en France, et vous aiguisez votre regard sur les petits détails qui nous paraissent insignifiants. Dans ce livre, vous abordez un sujet existentiel qui ne surprendra pas ceux qui ont quelques connaissances des faits sociaux et démographique du Japon de l’envers. L’exode rural continue massivement et le vieillissement de la population s’inscrit dans le paysage. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur la naissance de la Fête des ombres ?

En effet, lors de nos séjours au Japon,  nous avons été sensibles à la vie rurale, au charme des villages qui se désertifient et nous avons partagé le quotidien des personnes âgées qui continuent d’y vivre, entourées de leurs croyances et de leurs rites. Les émotions qu’ont fait surgir en nous ces rencontres nourrissent notre inspiration. La Fête des Ombres est née de l’envie de raconter une histoire émouvante autour de personnages tels que les gens que nous avons côtoyés au Japon


Vous avez choisi d’incarner vos fantômes. Est-ce que vous pouvez parler de ce choix et de ses raisons ?

En habitant au Japon quelque temps, nous avons remarqué que la vie de tous les jours était parfois très imbriquée avec le souvenir des morts qui bénéficient d’offrandes les invitant à participer à la vie quotidienne. Au Japon les morts ont une forme de réalité. Leur présence dans le rituel des vivants les fait exister de manière presque palpable.

 

Les ouvrages édités chez Issekinicho bénéficient toujours d’un grand soin apporté à la maquette mais aussi à la fabrication (reliure, qualité du papier…). Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre collaboration avec vos éditeurs ? Est-ce que vous êtes associés au procédé de fabrication ?

Oui, Alexandre et Delphine d’Issekinicho sont très impliqués à nos côtés et nous échangeons beaucoup. Ce sont des amoureux du travail bien fait et comme ils pratiquent eux-mêmes le dessin et l’illustration nous nous sentons proches d’eux. C’est très agréable de travailler dans ces conditions. Et nous espérons que les lecteurs apprécient la qualité de leur travail. En ce qui nous concerne, nous sommes ravis de la qualité de La Fête des Ombres en tant qu’objet car le papier que nous avons choisi ensemble permet d’apprécier l’aquarelle et de retranscrire la douceur des teintes. Alexandre a également fait un superbe travail de design sur le titre et le motif à l’arrière du livre qui non seulement mettent en valeur notre travail mais surtout sont porteurs de sens et permettent une meilleure immersion des lecteurs dans cette étrange aventure.

 

Vous avez choisi de travailler de manière traditionnelle. Pouvez-vous nous parler un peu de votre approche du dessin ?

Bien que nous appréciions aussi le travail numérique, nous privilégions la technique manuelle car nous la maîtrisons mieux et nous y trouvons une forme de sobriété. L’idée de pouvoir dessiner n’importe où avec peu de moyens nous est chère. Nous transportons nos boîtes d’aquarelles et nos crayons partout avec nous, en voyage et ce sont les mêmes outils que l’on utilise en BD comme s’il s’agissait de la continuité de nos aventures au Japon. 

 

Merci beaucoup à Cécile et Olivier pour leur gentillesse et leur disponibilité !


 Source : https://blog.ateliersento.com

 

À lire : l'article et entretien très complet par Alice Monard sur Le Journal du Japon

 



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La tendre ménagerie de Satoe Tone

 

Autrice et illustratrice de plus d’une dizaine de livres jeunesse, Satoe Tone séduit les petites et aussi les plus grands par la douceur de ses dessins et par la dimension intime de son travail. Si elle a grandi au Japon, elle vit maintenant à Milan. J’ai eu le plaisir de la rencontrer plusieurs fois sur des salons (vous savez, ce truc qui existait avant). Ses livres m’ont apporté beaucoup d’émotions que j’avais envie de partager avec vous



Trois albums pour rêver

Satoe Tone est publié chez plusieurs éditeurs, notamment Baliverne, une maison indépendante qui apprécie l’imaginaire et la poésie, deux caractéristiques fondatrices de l’œuvre de cette artiste.

 Le livre le plus drôle de ma collection s’intitule La très grande carotte. Une fratrie de six lapins découvre un jour une gigantesque carotte et s’interroge sur les utilisations possibles qui sont d’ailleurs, pour un regard d’adultes rationnels, totalement impossibles ! Les lapins de Satoe Tone, tout en rondeur et douceur, sont une figure récurrente dans ses dessins. Avec une tête à la fois bonhomme et espiègle, je les trouve très attachant. Mon faible pour ces bestioles colore évidemment mon jugement sur cet album.

 

 

 Le plus tendre, Doux rêves de moutons raconte comment ces animaux apportent des rêves aux enfants. Cette caractéristique sera d’ailleurs reprise dans son autre titre Le voyage de Pipo. Le plus jeune frère mouton doit commence son travail pour la première fois, il est en proie aux doutes et craint de ne pas être à la hauteur. Heureusement, il n’est pas seul. Comme dans le livre précédent, on suit l’animal dans une suite de tableaux oniriques aux couleurs pastel, aux formes rondes et mignonnes avec une grande richesse de détails.

Le plus joyeux s’appelle La fanfare des grenouilles et raconte le raz le bol d’un groupe de batraciens alors qu’il pleut sans arrêt. Ils décident de jouer de la musique pour attirer l’attention du soleil et rendre ainsi la météo plus clémente. Des oiseaux viennent leur prêter main forte, en chantant. Le trait caractéristique de l’autrice avec une simplification des animaux stylisés en adorables créatures transmet la joie et l’énergie du récit. Ce titre jouit aussi d’un travail graphique sur la mise en page du texte très dynamique.

Ces trois albums sont assez légers et positifs. Mais Satoe Tone a également écrit et illustrée des histoires avec une palette d’émotion plus complexes et moins joyeuses.

 

Où est mon étoile : appréhender le deuil

Cet album grand format, parut chez Nobi Nobi traite d’un sujet difficile, la perte d’un être cher, avec une approche poétique et très juste. Une petite souris, le cœur lourd cherche son ami disparu, ses proches lui expliquent qu’il n’est pas perdu à tout jamais, mais qu’il est transformé en étoile ; elle se lance alors dans une quête qui pourrait paraître vaine mais qui lui apportera réconfort, compréhension et espoir. Il s’agit du titre le plus bouleversant de j’ai lu de Satoe Tone.

Dans un camaïeu de bleu, on suit la souris, elle grimpe toujours plus haut dans un paysage nocturne, mystérieux et magnifique. Comme dans les autres albums de l’auteur, l’expressivité des animaux, mignons mais jamais mièvres transmet beaucoup d’émotions.

Un autre article sur le sujet :

https://japonpapierrelie.home.blog/2016/04/07/ou-est-mon-etoile



 

 

Le voyage de Pipo

Une grenouille, Pipo a perdu ses rêves. La rencontre avec une brebis, porteuse de songes, est le début d’un grand voyage qui durera plusieurs mois. Au fil de larges doubles pages, on suit les deux comparses, dans des paysages brumeux, du fond des océans aux forêts, les saisons passent. Pipo et la brebis découvrent le monde et une amitié se tisse. Il s’agit de mon titre favori. Un album contemplatif avec une harmonie parfaite entre une impression vaporeuse et des détails soignés. Il a d’ailleurs remporté un prix prestigieux qui aura beaucoup aidé Satoe Tone à gagner en notoriété. Également édité chez Nobi Nobi, comme Où est mon étoile, Le voyage de Pipo bénéficie d’une qualité de fabrication avec un papier épais, mat parfais pour mettre en valeur les illustrations ainsi qu’une sublime couverture avec verni sélectif.

Outre que le protagoniste soit une grenouille, l’ambiance particulière de cet ouvrage m’apaise et en même temps, m’apporte de l’énergie et de l’espoir dans les périodes difficiles. Chaque double page se regarde comme un tableau, avec lenteur et abandon.

 



Une vidéo qui montre le travail de l’artiste sur Le voyage de Pipo :

https://www.youtube.com/watch?v=JCernMAgAsU&feature=emb_logo



 

Cette jeune japonaise née en 1984 qui a fait ses études à Kyoto mais aussi en Angleterre a choisi de vivre en Italie. Elle travaille à la gouache, de façon traditionnelle, avec plusieurs sous-couches qui donne à ses tableaux beaucoup de profondeur. La particularité de son dessin vient de la grande expressivité de son bestiaire qui arrive à transmettre avec peu de mots des émotions fortes. Une nostalgie se dégage de ses livres, elle n’hésite pas à aborder la solitude, le doute, la perte, en filigrane de ses histoires, toujours avec beaucoup de subtilité et d’espoir. Aborder ainsi des expériences perçues comme négative, ou difficile en proposant un voyage pour les sublimer apaise le lecteur. Ses personnages sont souvent un peu perdus, un peu hésitants, parfois, ils se laissent porter, lâche prise et toujours à la fin, ils ont grandi, trouvé du sens, se sont ouverts sur le monde. Satoe Tone est une artiste d’une grande sensibilité, curieuse et avide de découverte. J’espère que cet article vous aura donné envie d’ouvrir ses livres.


Si vous appréciez son travail ou si vous voulez mieux la connaître, la NHK a réalisé une vidéo en 2014. Elle y parle très librement de ses sentiments, de ce qu’elle met dans son travail et de ses raisons intimes de faire des livres.

https://www.youtube.com/watch?v=b56j0l-DHJo





Voici une lecture de Cœur d'étoile faite par Diana, idéal pour découvrir un autre des livres de Satoe Tone :
https://youtu.be/y6Tm0R_sfCg


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L’histoire authentique de Sadako Sasaki et des mille grues

 
 
Savez-vous pourquoi, au Japon, on plie des grues en origami ? Et pourquoi cet animal de papier est devenu après la seconde guerre mondiale un symbole de paix ? Sue DiCicco, sculptrice et autrice américaine raconte la courte vie de Sadako Sasaki, enfant née à Hiroshima, en 1943. Son frère, Masahiro Sasaki toujours vivant, a coécrit l’ouvrage en apportant son témoignage.


En attaquant cette lecture, je savais qu’elle ne serait pas légère. Je connaissais la fin de l’histoire : une fillette qui meurt et laisse une marque d’espoir dans l’Histoire ainsi qu’un poignant message universel. Cependant, j’ignorais tout de sa vie, de son caractère, de sa ténacité. Cette existence recèle une force qui traverse les décennies et inspire, encore aujourd’hui, la défense de la paix.
 



Le livre s’ouvre sur la naissance de Sadako, le 4 janvier 1943 et parle de son quotidien dans un pays dévasté par la guerre mais où les enfants s’adaptent et conservent quand même une certaines insouciance malgré les difficultés. Si le sujet demeure difficile, l’autrice trouve un ton juste, sans misérabilisme. Elle donne de nombreux détails sur la vie de tous les jours qui permettent de comprendre le dénuement de la famille mais aussi les petites joies nichées dans l’énergie d’une reconstruction et d’un avenir qu’on espère plus doux que le présent. Outre la tragédie de la maladie, la situation financière des parents de Sadako rend le récit encore plus poignant. Le coût des soins et les sacrifices qu’ils engendrent résonne avec un écho particulier sous la plume d’une autrice américaine. On suit Sadako dans son combat contre la maladie, un mal encore mystérieux mais que déjà les médecins diagnostiquent comme une conséquence de la bombe atomique. On découvre une enfant charismatique, pleine d’empathie et de ressources, très consciente de ce qui se déroule autour d’elle, alors même qu’elle est de plus en plus confinée à sa chambre d’hôpital. 
 
Lorsqu’elle apprend la signification des guirlandes de grues en origami qu’on offre aux malades, elle décide de se lancer dans le pliage. La légende dit que si on réussit à plier mille grues dans l’année, notre vœu sera exhaussé. Hélas, même si une version populaire sur Internet prétend que Sadako serait décédée avant d’avoir achevé sa tâche, elle est fausse : la fille a non seulement plié ses mille grues sans être guérie, mais elle a persévéré, avec un nouveau vœu, altruiste. À son décès, ses camarades se sont mobilisés. Une statut à son effigie a pu être érigé et le mouvement de solidarité ainsi amorcé perdure encore, liant à tous jamais la vie de cette enfant au terrible drame des irradiés d’Hiroshima et Nagasaki.

 
 
 
L’écriture limpide et illustrée de dessins et photos d’archive s’adresse à un jeune public. La puissance du texte et de son message sur la quête de sens peut aider enfant et adulte à franchir certaines épreuves, surtout en ces temps étranges. D’ailleurs, suite à la rencontre avec l’histoire de Sadako, Sue DiCicco a fondé l’organisation Peace Crane Projet afin de continuer la transmission.
Cependant, je reproche à l’ouvrage son manque de clarté sur l’implication du Japon dans la seconde guerre mondial, sous-entendant une position de victime. Quand on connaît le négationnisme toujours en vigueur aujourd’hui, j’aurais apprécié plus de nuance. Un écueil probablement inévitable, étant donné que l’autrice est elle est américaine et qu’elle a coécrit l’ouvrage avec le frère de la victime. J’émettrai aussi un bémol sur le portrait de Sadako, frôlant parfois le panégyrique. Mais comment écrire la vie d’une môme qui décède à douze ans d’une leucémie en endurant une douleur inimaginable, tout en laissant à ses proches et à ceux qui l’ont croisé sa route un souvenir aussi lumineux ?

Si le ton m’a parfois semblé mélodramatique, c’est l’espoir et la volonté de vivre qui traverse ce texte et se transmettent à son lecteur. L’histoire authentique de Sadako Sasaki et des mille grues a sa place dans les bibliothèques et aussi dans les programmes scolaires, il est un merveilleux outil pour enseigner l’empathie et le courage, en évitant l’écueil du discours moralisateur.

Cet ouvrage a été reçu en service de presse et je remercie l’éditeur Sully Le prunier. 

Sadako, mars 1955
Attention, le contenu de la page wikipedia en français est faux.
  • Interview de Masashiro Sasaki (en anglais) :
https://en.wikipedia.org/wiki/Sadako_Sasakihttps://en.wikipedia.org/wiki/Sadako_Sasaki

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