25 octobre 2016

Monsieur Milk, facteur : distribution d'amour !



Les albums jeunesses regorgent souvent d'une poésie étrange et tendre qui correspond parfaitement à la vision du monde des petits. Elle charme les adultes et réenchante un peu leur quotidien. Monsieur Milk, facteur de Kijima Seigo (Picquier jeunesse) est ours polaire japonais (oui, c'est possible) qui distribue plus que le courrier.



Le facteur détective



Milk est facteur. 
Il travaille au bureau de poste "Shiro-kuma" (littéralement l'ours blanc). Un jour, il reçoit une carte postale qui lui est spécifiquement adressé avec une demande d'aide désespérée : la progéniture d'un couple de grue a disparu. Serviable et inquiet, Milk se charge donc de rechercher le petit. Alors que les jours passent sans aucun indice, il n'abandonne jamais.
L'histoire a évidement une fin joyeuse !

Les dessins de Kijima Seigo simples et très lisibles, osent marier un graphisme contemporain et dépouillé avec un trait à l'encre dynamique et quasi calligraphié. Le résultat est une illustration à fois esthétique et facile à comprendre pour les enfants. 
 

 

Un album aux traits contemporains et à l'ambiance surannée


J'ai particulièrement apprécié le ton de l'album, à la fois tendre, aimant, sans tomber dans le mièvre surtout grâce à une bonne dose d'humour : Milk commence d'ailleurs son enquête en allant voir les prédateurs pour vérifier que l'oisillon n'a pas été croqué ! 

L'auteur, Kijima Seigo est directeur artistique. Il s'agit de son premier ouvrage solo. Cette histoire est inspirée par un ours polaire qui vit captif dans le zoo de Kushiro (Hokkaido) et qui marche souvent debout sur ses deux pattes arrières, donnant ainsi l'impression étrange d'être face à un homme portant un costume d'ours.
Nulle doute que Milk est plus heureux que le "vrai" ours...


Le début de l'enquête : est-ce que l'oisillon a été mangé ?!

Le quotidien d'un ours facteur !



À la fin du livre, vous trouverez une jolie carte postale et une incitation à l'écriture avec un concours (pour les 100 premiers participants). Voilà de quoi motiver les enfants (et les plus grands) à envoyer plus souvent de leurs nouvelles sur papier. À l’ère du numérique, nous oublions la joie que peut provoquer la réception d'une lettre, le charme du timbre et de son tampon. Monsieur Milk, facteur dans son contraste - un dessin résolument moderne avec une histoire tournée vers la tradition épistolaire et l’absence de technologie pour les communications - résume bien la culture japonaise. Si l'album s'adresse à tous, ceux qui apprécient le Japon auront un petit plaisir supplémentaire !

Monsieur Milk, facteur de Kijima Seigo (traduit par Anaïs Koechlin)
Album de 40 pages, chez Picquier Jeunesse : 13,50 euro


Un autre avis sur un super blog spécialisé lecture japonaise :


20 octobre 2016

Un coup de peinture fraiche : Raviver les souvenirs et leur rendre leur brillance !


Menton, coincée entre la mer et la montagne, est la dernière ville avant l'Italie. Dans ses rues, sur ses murs, au dos des vielles rabougris, même dans les boutiques attrapes-touristes estampillées couleur locale - jaune citron ou vert olive - tout respire une appartenance méridionale qui brouille les frontières. Parce qu'entre ces villes de la côte d'Azur, serrées sur une étroite bande de terre vaguement constructible, on retrouve une culture commune avec l'Italie si proche. 






Les murs ocres, oranges et bouton d'or. Les ruelles serpentant jusqu'en haut de la colline rocailleuse d’où surplombe le cimetière. Les églises richement décorées dont l'intérieur ressemble à un écrin, une boite à musique baroque où en guise de danseuse, trône une représentation de St Michel ou de la Vierge, peinte de ce bleu profond, sublime avec ses traits d'une finesse surnaturelle.

Menton, petite, discrète, par rapport à Nice, est une ville que j'ai toujours aimé sans retenue. Sans ambiguïté. 




Déjà, parce qu'on y célèbre les agrumes. Depuis ma plus tendre enfance j'ai toujours voué un amour invétérés aux citrons. Je me souviens des chars piqués de fruits, de ma fascination naïve teintée de désespoir face à ce gâchis. Mes parents m'ont toujours assuré qu'il n'y avait pas de perte, que pas une seule orange serait perdue, et qu'elle finissaient toutes en confiture. Rétrospectivement, j'ai des doutes sur la véracité de leur affirmation. Menton, c'est la ville d'Yvette ; une des amies de ma maman. J'aimais rende visite à cette petite dame, rousse ridée comme une pomme, au corps fluet, débordant d'énergie et de gentillesse. Menton, c'est la dernière ville du territoire avant l'Italie. Enfant, la frontière était encore une réalité tangible avec douanier, garde barrière, carte d’identité. Une zone un peu mystérieux et magique, dans mon imaginaire, où quelque chose d'important pouvait subvenir. Je me souviens des voitures arrêtes sur le bas coté, au coffret ouvert.




Menton était comme la dernière ville connue. Après, on ne parlait plus ma langue. Tout pouvait basculer.


Maintenant apaisée, j'avais envie de revoir la ville, et de la partager avec mon amie Anne qui apprécie - beaucoup plus que moi - la côte d'Azur et ses charmes. Nous voilà donc partie, malgré le temps gris d'automne, en train, depuis Nice. Le voyage est court. L'arrivée rocambolesque : hors saison l'office du tourisme ferme entre midi-deux mais le personnel, en train d'éteindre les lumières et verrouiller les portes, a eu la gentillesse de nous donner une carte. Après un pan bagna dévoré au bord de la mer à la barbe - ou plutôt plume - des goélands, nous attaquons le cœur de notre programme : la visite du musée Jean Cocteau






Ouvert en 2011, c'est un bijou d'architecture et de poésie. Outre les œuvres de Cocteau, il présente la collection d'un grand amateur d'art Séverin Wunderman. Au sous-sol, un documentaire réalisé par Cocteau lui même, raconte comment la villa Santo Sospir s'est retrouvée ornée de ses fresques oniriques. Avec magie, sensibilité et une bonne dose d'auto-dérision, l'artiste parle de son travail. Un seul regret, par une seule fois n'est mentionné explicitement son histoire d'amour avec Jean Marais, pourtant un aspect important de sa vie.






Dehors, les nuages s’amoncellent. Nous crapahutons dans les rues escarpées de la veille villes. Cactus, plantes grasses et diverses icônes ornent les façades colorées. La basilique St Michel nous accueille et ses pendouilleriez kitchs, ses dorures, sa piétés, ses croyances ostentatoires qui en deviennent folkloriques.
Puis, sous une pluie hésitante, nous montons jusqu'au cimetière avec vu sur la baie. Les tombes délimitées par du fer forgé rongé de rouille, les gravures en cyrillique, les croix couchées sous la vieillesse, les cyprès vert sombre, un hommage au gris profond des cieux. Le soir tire vite la révérence et à 18h, nous nous réfugions dans une crêperie bretonne pour déguster la spécialité maison : la crème de citron ! Des vacances ne peuvent être qualifié de réussies si je n'ai pas manger au moins une fois des crêpes. 





Par la fenêtre bleu nuit du train qui nous ramène à Nice, la courbe orange de la Prom illuminée. Le périple s’achève, des souvenirs joyeux recouvrent ceux nimbés d'un voile amer. Menton retrouve le goût acide et vitaminé de mes impressions d'enfant. Déjà, nous projetons un prochaine excursion. Un prochain séjour avec une visite à St-Jean Cap Ferrat et la visite de la villa peinte par Cocteau.


7 octobre 2016

Album jeunesse "Baku, le mangeurs de rêves" pour dormir sur ses deux oreilles




À l'orphelinat, Toyo, un petit garçon, est poursuivit par un grand squelette grimaçant. Quel horrible cauchemar ! Réveillé par un bruit, il aperçoit par la fenêtre une immense forme chutant depuis le toit. C'est Baku, un yôkai qui ne fait qu'une bouchée des mauvais rêves. Il n'est pas très à l'aise en ville, surtout entouré d'une foule agressive. Il prend peur et s'enfuit...


Baku raconte l'histoire de la rencontre entre Toyo et Baku, à la frontière entre rêve et réalité. L'absence de Baku cause bien des déboires dans le monde des humains, ignorant de l'existence des yôkai qu'ils prennent pour des fables et des superstitions. La persévérance de Toyo pour retrouver Baku, mais aussi sa curiosité, sa bravoure et sa gentillesse, vont aider tout les habitants de la ville.

Voici un bien joli conte qui utilise le folklore japonais sans tomber dans le stéréotype ou le travers de l'énumération façon bestiaire. En suivant ce garçonnet, l'auteur, Fabien Doulut, nous plonge dans le quotidien d'un Japon contemporain très attachant. Ceux qui connaissent le pays retrouverons sa couleur, son parfum et son ambiance si particulière. Les autres en auront un aperçu sensible et très juste. 






Les monstres de Fabien Doulut, même les plus repoussants, ne font jamais vraiment peur. Il arrive à adoucir par son travail graphique toute leur agressivité et transforme ainsi les yôkai antipathiques voire effrayants en être étranges, certes, mais jamais terrifiants pour un jeune lecteur. Son dessin est riche sans être fouillis. Il a cette manie que j'adore chez certains : parsemer ses dessins de petits détails drôles ou qui se font échos. Cela encourage à être très attentif et à longuement regarder chaque page. La narration très dynamique utilise à bon escient le détourages et le hors-case, comme dans la BD, pour happer littéralement le lecteur.

Un album dépaysant et pourtant très accessible en raison de l'universalité de son récit. On peut y discerne un propos très engagé et actuel sur la peur de la différence. J'ai apprécié le ton poétique du texte et les illustrations, couleurs d'automne, vraiment magnifiques. Le choix d'un matin mat pour l'intérieur et velouté pour la couverture correspond parfaitement à l'esprit de l'ouvrage. Il sera en librairie le 20 octobre, aux éditions Picquier Jeunesse, à 16 euros.

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