5 septembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 02 / 24



Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue

Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.


chapitre 2

J'arrive à l'hôpital, à la bourre. Dans l'ascenseur, je croise mon reflet.
Je me suis remplumé, et la pratique régulière du sport – natation, boxe française et tang soo do – a aidé à résorber mon embonpoint. Ma jambe ne me fait plus souffrir, sauf certains soirs, quand je bois un peu trop, quand je pense un peu trop à lui. Garder la forme était nécessaire si je voulais continuer à être employé par Mycroft. Même si j'ai rarement un rôle actif sur le terrain, il m'arrive d'assister encore à des arrestations, au mieux. Au pire, j'ai un bon taux de réussite pour attraper les pickpockets et les voleurs à la tire spécialisés ès sacs-à-mémé. Comme je marche souvent de la maison jusqu'à l'hosto, j'ai le loisir d'observer la faune des rues et les mœurs, bien différentes en fonction des quartiers. Une heure à trotter à un rythme soutenu. Une activité saine. Une des cases à remplir du programme « requinquer Watson » pour continuer à vivre est ainsi pleine.
J'ai un épi sur le haut du crâne. Je l'aplatis à la va-vite, juste avant que les portes ne s'ouvrent.
Je file directement au vestiaire sans passer par la case café.

Cela fait une bonne demi-heure que je suis dans la tripaille quand Molly pousse la porte du labo. Elle tient une tasse en plastique fumante dans la main qu'elle me tend avec un sourire :
— Alors, don Juan, ton séjour à Paris s'est bien passé ?
— Molly !
Je jette un coup d'œil furtif vers le couloir. Je ne souhaite pas que ce type de propos soit entendu par mes collègues, surtout par l'autre John qui me voue une inimitié féroce. Et réciproquement.
— Encore une allusion à ma vie privée et je ne discute plus du sujet avec toi...
— Et avec qui d'autre, hein ? L'inspecteur Lestrade ?
Je manque de m'étouffer avec le breuvage amer. Ma tentative pour tousser discrètement échoue, et Molly se détourne poliment vers le cadavre pendant que je me mouche. Je m'entends bien avec Greg, je l'apprécie vraiment. Quand on va au pub, je suis plus du côté de celui qui écoute.
— Je ne veux pas être un sujet d'attention. Mon arrivée ici a causé suffisamment de rumeurs...
— Je sais... , lâche-t-elle avec un air blasé.
Être pistonné, surtout quand cela vient de très haut, tend à crisper certains. Même si j'essaye de ne marcher sur les pieds de personne, mon parachutage dans le service ne s'est pas fait sans accroc. Mes relations médiocres avec l'autre John tiennent probablement à cela.
Et puis, mon blog est plus populaire que le sien.
— Alors Paris, c'était comment ? J'aimerais vraiment y passer un week-end...
— La prochaine fois, si le timing est meilleur, tu pourrais me rejoindre. Aux frais de la reine pour le logement. Mon patron est assez coulant...
— Sérieusement John ? ! J'adorerais. Mon ex m'avait promis qu'on irait. J'aurais dû le garder encore un peu...

J'ai toujours apprécié Molly pour son efficacité professionnelle, sa gentillesse... Et j'ai toujours été touché par son amour pour Sherlock. J'ai mis du temps à comprendre – il l'a traitée avec si peu de considération – que lui aussi l'appréciait. Rien de surprenant. À la fin, il était quand même plus... poli.
Sherlock est toujours entre nous, comme un fantôme. Au début, cela se sentait dans les silences gênés, les blancs précipités à la suite d'une allusion malheureuse.
Molly a été dévastée par sa mort. J'ai cru qu'elle ne recommencerait jamais à vivre.
La douleur nous a rapprochés. Elle a toujours été respectueuse de notre relation d'amitié assez exclusive, surtout dans la tête de Sherlock. Je crois que, de tous, c'est la seule qui avait compris la profondeur de nos liens. La seule à qui j'ai confié l'étrange évolution de ma sexualité. Se découvrir bi à plus de 40 ans passés, cela remue.

— Ce type, ton ex, c'était un abruti. Tu trouveras quelqu'un de bien. Quelqu'un pour qui tu seras la plus importante.
Molly me regarde une seconde, interdite. Puis elle fait l'inventaire du plateau à échantillons que j'ai préparé. Son sourire a ce voile discret, cet espoir trop longtemps retenu.
— Et tu vois toujours la journaliste ? Karen ? Carmen...
— Carmine. Non, pas depuis que tu as débarqué en pleurs à 2 h du mat à la maison, et que Lestrade m'a fait bosser toutes les nuits ou presque dans les quinze jours qui ont suivi...
— Je suis navrée. Ça devenait sérieux. L'affaire du sadique de Northerm est mal tombée...
The lies we said, the love we shared ... Illustration de Anne Jacques

Parfois, Molly m'énerve.
Son ton est compatissant, pourtant je sais qu'elle n'appréciait pas la jeune femme. Bizarrement, c'est comme si soudain, elle s'était transformée en médium possédé par Sherlock. Il a un talent inimaginable pour saboter ma vie amoureuse.
— Mal tombée surtout pour les victimes. Mon départ à Paris a été le coup de grâce. Elle n'a jamais cru que je partais seul.
— Enfin, là-bas, tu n'as pas dû rester seul, me répond-elle du tac au tac, d'un air entendu.
Non. En effet, mais ce sont mes oignons. J'ai quelques numéros de téléphone, quelques adresses dans mon carnet. Être loin de la maison, de mes collègues, facilite les choses.
Mes fesses et leurs activités nocturnes ne concernent que moi.
Elle ajoute, d'une voix plus douce :
— John, je sais que tu voudrais trouver quelqu'un, mais il faut que tu arrêtes avec les femmes qui ont quinze ans de moins que toi et qui sont... jolies, intelligentes, mais qui manquent de... qui sont trop lisses. Enfin, tu as besoin de...
— Je sais exactement ce dont j'ai besoin, Molly.
J'ai la gorge nouée.
Il pourrit à six pieds sous terre.
Je sais, bordel, qu'avec Carmine, ou Élisabeth et bien avant, la douce Sarah, je n'aurais jamais pu avoir une vie commune. Je sais que c'était du quotidien tranquille et pépère. Parfois, je voudrais juste ça. Ce dont j'ai besoin est irremplaçable...

Elle prend le plateau, hésite et fait le tour de la table. Sa main se pose sur mon épaule. J'évite son regard. Soit ses yeux sont trop brillants, soit j'y décèle une lueur de pitié.
— Je passe te récupérer pour le déjeuner. À tout à l'heure.
Le claquement métallique de la porte retentit. J'expire bruyamment.
Je ne lui en veux même pas.
Je sais qu'elle a volontairement tout fait pour que Carmine reste en périphérie de ma vie. En deux ans, ça doit être la troisième, non la quatrième fois. Enfin, il y a eu aussi l'intervention de Mycroft. J'ai beaucoup de défauts, mon expérience en Afghanistan m'a rendu sensible à certaines situations. Mais je suis loin d'être paranoïaque.
Par contre, là, quatre fois, ce n'est pas un hasard.

Quand Molly a débarqué, il y a un mois, elle était dans tous ses états. Hystérique presque. Je n'ai jamais su la cause. Ses propos étaient incohérents, elle avait bu. Elle a appelé Carmine par une demi-douzaine de prénoms différents et pour finir, lui a dit qu'elle n'était pas « digne ». Après, ça a viré aux insinuations franchement incorrectes, avec un ton acide ravageur. Et au milieu de la mêlée, alors que je tentais de comprendre la cause de l'émoi de Molly et en même temps, de calmer Carmine, ça a dérapé.
Le nom de Sherlock a jailli dans la conversation. La période n'était pas vraiment propice. Cela faisait tout juste trois ans. Les insultes ont fusé entre les deux femmes avec la vivacité et l'éclat des feux d'artifices du 5 novembre. Quand Carmine a traité Sherlock de psychopathe mythomane, je suis sorti de mes gonds.
Après ça, ce n'était plus pareil. Je n'ai jamais su pourquoi Molly était si perturbée ce soir-là. On a passé le reste de la nuit à discuter de lui. Des petites choses insupportables et des détails cliniques de son comportement. J'ai du mal avec le diagnostique d'autiste. J'ai du mal à enfermer le génie de Sherlock dans une case. Du mal à lui coller un label. C'était mon ami.
Le lendemain, la journée de boulot à l'hôpital a été particulièrement laborieuse, avec un bon mal de cheveux.

Je regarde le corps étendu sur la table. Je n'ai même pas pris le temps de lire son prénom. J'ai juste vérifié le nom de famille et la référence. Je termine mon café et jette la tasse dans la poubelle dédiée, à l'autre bout de la pièce.
Panier !
J'attrape les pinces. Hum, au programme, commencer par sortir les résidus dans l'estomac, tout un poème. Je réajuste le masque chirurgical. Au boulot.


4 commentaires:

  1. Pas mal ! J'aime bien ton parti pris : Molly sait que notre détective n'est pas mort et fait tout pour tenir John éloigné d'une relation trop sérieuse... (ou alors c'est moi qui m'emballe)

    J'attends la suite !

    -Christelle

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  2. Christelle : Quand on regarde avec attention l'épisode de Reichenbach falls, il y a beaucoup d’éléments qui donnent des indices concrets sur le comment Sherlock s'en sort. Vu que j'ai mater la série un certain nombre de fois, j'ai eu tout le loisir d'extrapoler :)

    Pour le reste, il va falloir patienter !

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  3. Bonsoir,

    Je suis entrée chez toi par hasard, mais... Je reviendrais bientôt frapper à la porte...
    La visite fut très agréable !
    Belle soirée.

    Capucine

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  4. @ Capucine : merci pour la visite ! Je suis heureuse qu'elle t'ait plu !

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Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne