21 novembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 16 / 24



Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue

Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.


Chapitre 16

Je me réveille en sursaut.

Les images du cauchemar dansent dans la pénombre, prégnantes, insidieuses. Il y a un corps inanimé contre moi.

Je me souviens de son visage. C'était une mission de nuit qui a mal tourné. Nous sommes pris entre deux feux, à attendre l'extraction. Juste notre bataillon. Quelqu'un aux renseignements a putain de merdé. La nuit va être longue.
Quand on se fait pilonner la tronche par l'artillerie lourde, je regrette presque la ville et ses snipers. Avant l'aube, il est touché.
Salement.
Je ne me souviens plus de son nom, juste que je ne l'appréciais pas trop. Bruyant, potache, grande gueule. Et moi, totalement impuissant. Impossible de l'aider dans ces conditions, je sais qu'il ne tiendra pas jusqu'à l'arrivée du reste du régiment. Alors, je fais avec les moyens du bord. L'injection ne se remarquera pas, pas d'autopsie.
On n'autopsie pas la chaire à saucisse.
Je reste avec lui jusqu'au bout. Même quand c'est fini, que ses sphincters se relâchent et ajoutent à la puanteur âcre de l'air nocturne saturé de poussière.

Il y a un bras nu en travers de ma poitrine. Un bras attaché à une épaule, à un torse. Nu. Masculin. Indéniablement. Je me tourne et découvre le reste de l'anatomie de l'intrus. Définitivement nu. Les souvenirs de la veille m'assaillent.
Et le visage de Sherlock, sérieux jusque dans l'extase remplace celui d'un soldat mort. Dans son sommeil, il est venu contre moi, étalé en diagonale, il arrive à occuper la majeure partie du matelas. Il sait que je préfère dormir seul. Je ne dérange personne. Et une présence à mes côtés tend à raviver les mauvais rêves.

Mais hier soir, après la douche – se laver ensemble n'a pas permis de gagner en productivité, au contraire – je n'avais vraiment pas le cœur à le laisser dans sa chambre. Surtout que je ne l'ai toujours pas aidé à faire du ménage. En plus, maintenant qu'il l'a réinvesti, et sorti le contenu des cartons, vidé en vrac, sur le sol et les meubles, elle a aussi besoin d'être rangée... Et je sais qu’il déteste dormir dans un endroit qui n’est pas impeccable.
Je tente de le pousser un peu, mais il se tourne et manque de me mettre son bras dans la figure. J'abandonne.
Je n'aime pas dormir avec quelqu'un.
Encore un soucis de plus pour installer une relation durable. J'ai fini un nombre incalculable de fois dans le sofa, avec des excuses bidons du « je me suis levée pour boire – aller aux toilettes – prendre l'air – faire pisser le chien (véridique) – noter une idée pour mon blog... » qui s'achèvent invariablement par « et je me suis assis, et rendormi ». Je tire sur mon t-shirt, adapte ma position, et caresse d'une main distraite le dos musclé du gêneur, juste le long de sa colonne vertébrale. Il marmonne un truc inintelligible et cale sa tête dans le creux de mon aisselle. Il s'agite encore, remonte son visage. Le pif dans les poils. Il se met à ronfler doucement.
J'ai des munitions pour le taquiner pendant au moins des semaines là. Des mois même. Ça compense mon malaise.

Je ferme les yeux.

Collision  - Illustration d'Anne Jacques


Cette fois, quand je me réveille, il fait jour. Je sais qu'il est plus tard que d'habitude. Le jour est déjà clair. Au moins 7h. Je plisse les yeux encore embrumés de sommeil. 7H45 ! C'est presque une grâce mat ! Je suis de nouveau seul dans mon lit, et à côté de moi, les draps froids portent encore l'odeur de Sherlock. Je renifle profondément. De longues minutes s'écoulent, moi, à plat ventre, dans son odeur. Ça tourne dans mon cerveau mais aucune pensée précise ne daigne s'arrêter assez longtemps pour que je puisse la saisir. Je me lève, baille, et vais à la douche.

Dans la cuisine, aimantée sur la porte du frigo, il y a une liste. Je la fixe plusieurs secondes, interdit. Ce n'est pas une liste de courses... Je secoue la tête, partagé entre l'envie de rire et un certain désespoir. Il est irrécupérable. J'entends le cliquetis régulier du clavier qui vient du salon.
— Bonjour Sherlock. Bien dormi ?!
Un son qui pourrait s'apparenter à une voix humaine me répond. Quel accueil. Je suis habitué à un silence suivi, éventuellement d'une demande péremptoire masquée, en général « je veux du thé » traduisible par « fais moi du thé ». « S'il te plaît » est absent de son vocabulaire. Tant qu'il dit merci, cela me convient.

Je sors le pain de mie et fouille dans les placards. J'ai les crocs. Il reste des œufs, des tomates aussi. Je remarque alors la théière sur la table, bien au chaud dans son tea-cosy à carreaux vichy vert. Elle est pleine ?! Je prépare un petit déjeuner copieux. Quand je dépose le tout sur la table base, Sherlock lève enfin le nez de son écran. Il est déjà habillé et semble relativement reposé.
— J'ai fait du thé.
— Oui, j'ai vu. Merci. Tu as dormi un peu ? Plus que deux heures ?
— Ho oui, au moins... trois ou quatre, me précise-t-il avec une fierté enfantine.
— Si tu veux manger, viens ici. Mon ordinateur n'a pas besoin d'être nourri, contrairement à toi.
Une moue boudeuse.
Je remarque alors les deux piles de papiers imprimés sur le bureau. Une petite, quelques feuilles reliées par un trombone, et l'autre plus épaisse avec le crâne posé par-dessus.
— Tu as terminé ? Tu veux que je relise ?
— Oui. J'ai imprimé à cet effet.
— Je pensais qu'il serait plus rapide de corriger directement sur écran, si tu daignes me laisser l'accès à ma machine.
— Pour l'article pour ta copine, oui. Mais ce n'est pas le plus urgent. Je voudrais que tu me donnes ton avis d'abord sur ce paquet – il désigne le plus gros – car c'est pour Lestrade. Un compte-rendu des faits qui ont conduit à la mort de Moriarty et l'explication de mon suicide factice. Je lui ai aussi donné tous les éléments de l'enquête personnelle sur le réseau mis en place par Moriarty jusqu'à la découverte du cadavre de Sebastian Moran, qui clôt l'affaire.
— Tu avoues son meurtre ?
— Voyons John, je viens juste de rentrer. Je n'ai aucune intention de me retrouver en prison, entouré de crétins, alors que je peux être avec toi, et manger des œufs.
— Qui refroidissent....
Il se lève et m'apporte les documents ainsi que mon stylo. Celui auquel je tiens particulièrement et que je pensais rangé dans son étui, dans ma chambre. Je vois qu'il a sorti le texte avec un interligne double pour laisser l'espace nécessaire aux annotations.
— Surtout, n'hésite pas à reformuler à ta guise. Je te fais confiance. J'ai peur que mon rapport soit considéré comme une démonstration orgueilleuse. Je me contenterai de brillant. Tu peux retirer ce qui te paraît trop astucieux.
Alors qu'il s'assoit, je lui file un coup sur la tête avec le paquet de feuilles. Je me sens d'humeur taquine. Un état assez exceptionnel pour moi, d'habitude plus placide.
— J'accepte le défi !
Je m'attelle à la tâche tout en déjeunant ; je ne me préoccupe pas vraiment de salir les feuilles. Elles finiront à la poubelle.

C'est un travail de longue haleine. Je suis obligé de revenir en arrière pour vérifier la cohésion du récit. Sherlock tend à s'attarder sur des détails annexes qui nuisent à la compréhension globale. Par contre, il reste factuel, sans interprétation des intentions de Moriarty. D'ailleurs, je crois que le plus étrange et qu'il passe sous silence la dérive obsessionnelle de cette affaire. Il y a aussi des trous en ce qui concerne le rôle de Mycroft. C'est lui, qui a vendu son frère. Lui qui a donné, à ce taré de Moriarty, l'artillerie nécessaire pour s'en prendre à Sherlock. Je ne l'épargne pas. Je remplis les vides avec minutie.
À un moment, Sherlock a quitté l'ordinateur et s'est mis à jouer du violon. Une mélodie douce, lancinante, agréable. Je le contemple quelques minutes. Concentré, devant la fenêtre, il est tout entier absorbé dans la musique. Son visage ne reflète que son absolue patience. Focalisé sur le son, les mouvements gracieux de ses mains. Je me rappelle un jour avoir assisté à un concert dans un pub d'une violoniste de folk irlandaise d'une grande sensibilité. Elle respirait tour à tour la joie et la peine de ses morceaux. Je suis sorti de là épuisé émotionnellement. Quand Sherlock joue, il y a comme une distance, une tranquillité. Parfois, il s'agite, joyeux, mais cela ne dure jamais trop longtemps. Certains trouve son jeu froid, moi, il me repose. Et puis, son jeu lui correspond si bien... Détourner mon regard de sa silhouette me demande un effort. Il compte sur moi.
Je me replonge dans la lecture. Il y a vraiment des oublis.
J'ajoute aussi, au dos d'une page, une proposition de diagnostique clinique sur l'état mental de Moriarty et la perversion de la relation qu'il a eu avec Sherlock. Ce dernier a servi de catalyseur aux déséquilibres d'un individu d'une intelligence supérieure mais clairement dénué de toute empathie. Un vrai sociopathe. Sherlock s'en octroie le qualificatif. Pourtant, je le soupçonne de se ranger dans cette case-là parce que ça l'arrange. Le vrai dingue, manipulateur, pervers, c'était Moriarty.
Je ne suis pas un expert dans le domaine. Mon analyse provient d'échanges avec Molly et, surtout, des avis de plusieurs psychiatres renommés de Barts qui ont eu la gentillesse de m'écouter et m'éclairer sur le sujet.

Il est 11h passées quand je lève le nez du tas de feuilles. Sherlock a refait du thé. Il m'a même servi. Je me masse les tempes, j'ai un peu mal au crâne. Entre la discussion épuisante d'hier soir et cette lecture, tout un tas de souvenirs et d'émotions resurgissent. J'essaye de garder le contrôle mais, pour être tout à fait honnête, je me sens tourmenté. Et puis, courbatu.
Sherlock a cessé de jouer.
Il a commencé à reporter une partie des modifications sans me poser aucune question. Je suis surpris et songe qu'il ne doit intégrer que ce qu'il l'arrange. J'ai beau être méthodique, là, j'ai fait tellement d'aller-retours dans la lecture qu'il y a des feuilles partout sur la table basse. Heureusement qu'elles sont numérotées.
Quand j'en arrive à la partie finale, sur la poursuite de Moran, le texte devient soudain plus animé. Le ton professionnel, neutre tend à devenir plus subjectif.
Acide.
Et bientôt, je vois apparaître, horrifié, très clairement en filigrane, un désir latent de vengeance qui suinte comme une odeur nauséabonde. Personne, en possession de ses moyens, peut lire le texte et croire à l'innocence de Sherlock dans la mort de Moran. Il décrit ses angoisses, le regret de s'être trompé, de s'être retrouvé dans une position si absurde et dangereuse qu'il a dû maquiller sa mort pour protéger ses proches. Mon cœur se serre. Je récris, patiemment, sous les lignes imprimées, une version expurgée, plus conforme aux stricts faits et surtout qui laisse planer le doute sur la fin de Moran. J'y ajoute même quelques hypothèses de mon cru (règlement de compte local, mercenaire payé par un ancien de l'armée...). Moran avait beaucoup d'ennemis.

Une fois achevées relecture et correction, je sors.
J'ai besoin de prendre l'air. Je marche jusqu'au traiteur asiatique à quelques encablures de Baker Street. Une heure qui me rend mon calme. Et, quand je reviens dans l'appartement, Sherlock piaffe. Il a terminé, il m'attend, il a faim – improbable non ? – et il veut passer voir Lestrade en début d'après-midi.
Alors que je décide de lui téléphoner, je réalise que mon smartphone est resté dans ma veste, sur vibreur depuis la veille. Avec ce qui s'est passé, j'ai totalement oublié de consulter les messages. Plus de quinze appels en absence, tous de Lestrade. Et six textos.
À priori, la visite de Sherlock à Barts l'a fait sortir de son anonymat et la rumeur est déjà arrivée aux oreilles de l'inspecteur. Les messages sont succincts et de plus en plus fébriles. Le dernier je l'ai raté de peu, et Greg est prêt à envoyer une patrouille à Baker Street si je ne le contacte pas immédiatement ; ce que je fais dans la foulée. La conversation est courte, et l'angoisse dans la voie du policier m'évite de me mettre en colère face aux flots de remontrances et de menaces ; Sherlock redevient un suspect dans l'affaire du kidnapping des gosses de l'ambassadeur. Son suicide avait réglé l'affaire. L'échange se conclut sur la promesse de venir à Scotland Yard avant 15h.

Sherlock lui, s'est attablé et attend que je raccroche avec un air exaspéré. Il a ouvert les barquettes et commence à picorer dedans. À croire qu'il ne réalise pas ce qu'il risque. Ou, plutôt, qu'il est absolument sûr que son rapport va l'innocenter. Je l'espère. S'il se retrouve au centre d'une bataille juridique, ma volonté de rester dans l'ombre des médias pourrait être malmenée. Je ne veux plus voir sa photo faire la une du Sun ou autre torchon avec des titres aguicheurs.
— C'est bon ? Tu as fini avec l'autre imbécile. On peut manger ?!
Comme s'il avait faim après le petit déjeuner. Je connais son appétit de piaf.
— Greg est un excellent flic. Et ta mort l'a mis dans une mouise qui a failli lui coûter sa place. Alors tâche de rester à peu près poli avec lui. Tu as fini de reporter toutes les modifs ? Tu peux lui envoyer le rapport par mail ?
— Tu l'appelles Greg ? Depuis quand tu l'appelles par son prénom ?
Je soupire et vais me chercher une fourchette dans la cuisine. Ma dextérité s'arrête quand il faut manger avec des baguettes. Sherlock lui, les manie avec une facilité déconcertante.
— Depuis quand ? Insiste-t-il. Puis il ajoute : j'ai envoyé le rapport, et j'ai mis Mycroft en copie.
Il est donc très motivé à retrouver sa réputation et probablement, les opportunités de travail comme « détective consultant ».
— Je ne sais pas trop, un an, un an et demi peut-être. On va au pub de temps en temps ensemble.
Sa réprobation évidente me fait sourire.
— La prochaine fois, tu pourras venir si tu veux.
— Non merci. La prochaine fois on ira au pub tous les deux. Juste tous les deux. Ou mieux, on restera à la maison. Le pub est bruyant.
— Tu mélanges deux trucs différents...
Et je me retrouve à lui caresser la joue. Il mâchonne la pointe de ses baguettes. Ses lèvres sont légèrement luisantes de l'huile des nouilles sautées.
Sa mine contrariée me donne très envie de l'embrasser.
J'en tiens une bonne...


Suite : chapitre 17

1 commentaire:

  1. toujours parfait le calme ( enfin presque ) aprés la tempette mais comme les caractères sont bien vus et ressentis c'est fabuleux sans rire c'est magnifique et j'adore de plus en plus vivement mercredi re re remerci domy

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Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne