24 octobre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 10 & 11 / 24


Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue

Cette semaine, vous avez droit à deux chapitres et à une illustration particulièrement "mmmhum miam" de Anne tout à la fin !
Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.


chapitre 10


Comme je m'y attendais, le directeur m'a convoqué suite au débordement dans le hall. Il m'explique avec humour que, la prochaine fois, il serait plus judicieux que je règle mon problème dix mètres plus loin, dans la rue. Alors que je m'apprête à me confondre en hypocrites excuses, il ajoute que les témoins de la scène jureraient que je n'ai fait que me défendre...
Le sujet est expédié avec une rapidité exemplaire. La vraie raison de ma présence est l'irruption de Sherlock Holmes dans l'ancien labo de Molly. Avant de trouver mon bureau, il a débarqué dans un certain nombre d'autres salles.
Oui, il est vivant, non, je ne sais pas si c'est officiel ; non, ça ne change pas mon implication avec l'Institut et Barts. Oui, il est toujours accusé d'une kyrielle d'infractions diverses mais je lui assure que tout devrait rentrer dans l'ordre dans un avenir proche. Il me serre la main, me remercie de ma visite et je me retrouve dans le couloir, pas très motivé à l'idée de retourner assister au spectacle qui doit se dérouler trois étages au-dessous...

Je fais un crochet par la machine à café.
Pas pour moi.
J'ai eu ma dose. Avec moultes précautions, je trimbale mes trois gobelets de plastique à l'allure d'un escargot. Devant la porte, je tends l'oreille. Pas de hurlement, pas d'éclat de voix, pas de pleur. Un rire clair, celui de Carmine, suivi d'un gloussement retenu. Molly.
Ok...
Avec mon coude, j'appuie sur la clenche et pousse la porte avec la hanche.
— Ha ! John, bonne initiative.
Sherlock retire un des gobelets de mes mains, sans un merci. Il a choisi bien sur celui sans crème, avec juste deux sucres. Je pose les deux autres sur la table.

Carmine est assise à mon bureau, elle note furieusement dans son petit calepin. Celui avec la reliure en cuir violet élimé. Celui dans lequel elle consigne ses sujets potentiels, ses idées d'interviews et ses contacts. Du sérieux. Molly est appuyée contre le mur, avec une attitude faussement nonchalante. Elle sourit. Son visage entier sourit et ses yeux ont un éclat malicieux. Ma colère contre Sherlock s'évapore avant même qu'elle n'ait pu s'exprimer.
Discrètement, Carmine me fait un geste, le pouce de la main gauche levé vers le haut.

— Un problème ? Demande Molly, concernée. C'est à cause de ce midi ?
— Ça va. Je ne suis pas le seul qui ait eu envie de lui taper dessus.
— Peut-être, mais moi, je suis contente que ce soit toi qui t'en sois chargé !
— Je regrette d'avoir raté ça ! Surenchérit Carmine.
— Oui, tu aurais adoré ! Paf, dans les dents – elle mime avec un mouvement exagéré la scène – et paf ! Dans le gras du ventre !
Je réalise soudain que les deux jeunes femmes semblent être devenues copines.
J'ai raté un truc.
Jusqu'alors, je pensais qu'elles ne dépasseraient jamais le stade de l'entente cordiale. Parfois, je ne comprends rien au code de fonctionnement du sexe opposé. Sherlock, lui, ne semble pas spécialement s'amuser, mais il a l'air d'y trouver quand même son compte.
Carmine se lève avec un mot d'excuse pour avoir squatté ma chaise. Molly se redresse :
— J'ai hâte de lire ton article ! Ça va faire un drôle de grabuge ! Je suis si heureuse que tous ceux qui ont écrit des horreurs sur Sherlock se voient enfin rabattre leur caquet.
— La semaine prochaine j'espère. Je voudrais vendre le papier au Guardian. Ce n'est pas le scoop que je recherche, mais le fond.
L'humeur belliqueuse, vengeresse même, de Molly, plaît à l'intéressé.
Quant à moi, je suis largué...

Carmine serre la main d'un Sherlock trop fier de lui pour être totalement honnête, et me fait une bise en partant. Elle se penche et me susurre :
— Je ne t'en veux pas pour le bobard. Mais tu me dois au moins un verre. Et c'est moi qui choisis l'endroit...
Molly en profite pour s'éclipser. Je reste coi, quand Sherlock la retient d'une main sur l'avant-bras et la remercie. Pour tout. Avec chaleur.
Mon estomac se serre. C'est con. Je n'y peux rien. Je constate juste à quel point Sherlock a changé en trois ans. Je n'avais pas réalisé qu'il était plus ouvert, plus accessible. Je devrais être heureux pour lui, savoir qu'il est capable de s'entourer. Soudain, je me sens juste terriblement seul. Perdu au milieu d'une tempête dont j'ignore la capacité dévastatrice. Dont j'ignore la portée, la durée. Sherlock va annoncer publiquement son retour. Je me sens étriqué, égoïste.
Je devrais être soulagé.

Il est vivant.

Il est venu me voir avant. Je chasse mes craintes. D'autres diraient que je les ignore. Je suis très doué à cet exercice.
— Allez, viens, on va les faire, ces radios... Essaye de résister à l'envie de jouer les stars pendant encore une heure.
— Je n'aime pas spécialement ça.
— J'aurais juré le contraire...
Même à mon oreille, je trouve mon ton amer.
— Carmine m'a dit que vous vous étiez rencontrés car elle souhaitait écrire un livre à mon sujet. Cela ne me ravit pas. Mais elle m'a l'air d'être sérieuse et pas trop stupide. Contrôler l'information et surtout le timing de sa diffusion est décisif. Je veux retrouver mon identité, ma vie. Je dois donc être lavé de tout soupçon. Cependant, il me paraît judicieux d'être moins ostentatoire dans notre activité...
— Notre activité ?
— Bien sûr, notre activité. Comment serais-je un consultant pour ces imbéciles de policiers et ce demi-imbécile de Lestrade, si tu n'étais pas là pour me rappeler quotidiennement leur triste normalité ? J'ai besoin d'un référent représentatif.
— Pour l'imbécillité ?
— Non pour la normalité. Voyons ! J'ai cruellement besoin de normalité. Sinon mon cerveau s'emballe. Je n'arrive plus à être en phase avec les autres. Et tout devient fatiguant. Plus personne ne me comprend. J'ai passé trois ans à éviter les contacts. Essayer de faire profil bas. À me taire. C'était épuisant. Frustrant. Ennuyeux.
Plutôt que de l'excitation habituelle qui accompagne toujours ce genre de tirade, son ton est las. Encore une fois, je suis frappé par la fatigue qui émane de lui.
— Tu penses sincèrement reprendre la vie que tu menais il y a trois ans ?
— Que nous menions. Je ne sais pas si c'est possible, mais c'est ce que je souhaite. Vraiment.
— Pourquoi ne pas être revenu plus tôt alors ?
Les mots se précipitent hors de ma bouche. Ce n'est pas le bon moment, je n'aurai pas ma réponse. Il est stupide de le relancer sur le sujet. Avec un geste de la main, comme pour effacer mes dernières parole, j'ajoute :
— Laisse tomber, Sherlock. Tu es revenu. Le reste, je m'en fous.
— Tu mens, constate-t-il sans animosité. Je répondrai à ta question quand on sera à la maison. Ses yeux trop clairs ont la gravité d'un ciel d'orage. J'ai besoin d'être tranquille et sans interruption extérieure.
Avec cette promesse suspendue dans l'atmosphère de neutralité pratique du lieu, je l'accompagne dans le couloir.

chapitre 11

— Tu vois, j'avais raison.
— Oui. Je dis juste qu'avoir raison ne te donne pas le droit d'intervenir. Ça ne te regardait pas.
— Alors toi, tu peux être témoin de ce genre de scène et ne rien dire ?!
— Je ne me mêle pas des affaires des autres, surtout quand il s'agit de parfaits inconnus.
— Ce n'est pas une inconnue. Tu vois la caissière de la supérette au moins une fois par semaine.
— Oui. Mais je ne la connais pas. Et ce n'est pas à moi de lui donner des leçons de vie. Elle a vingt ans, bon sang Sherlock, je croyais que tu voulais faire profil bas ?!
— Vingt-six ans.
— On s'en fout. Ce n'est pas le propos.
— Si. Ce n'est plus une gamine, elle n'est pas étudiante et...
— Stop !
J'ouvre la porte et m'engouffre dans le hall, Sherlock sur mes talons, toujours en train d'argumenter sur la justesse de son action. Son explication, surtout devant d'autres clients, dépassait les lois de la bienséance. Surtout avec les détails très graphiques qu'il s'est assuré de donner.
Je veux bien que la fille ait été particulièrement désagréable, voire insultante... Cela n'excuse pas de l'humilier en public. Le hic, c'est qu'il pense probablement que la leçon était bénéfique...

Je dépose le sac de courses sur la table de la cuisine. En passant, je remarque un nouveau fauteuil dans le salon. Je recule, observe un instant le meuble qui encombre l'espace que je m'étais échiné à dégagé, soupire, et monte dans ma chambre. J’ai aussi vu que des bibelots et quelques bricoles bizarres amassées par Sherlock ont quitté leur zone de stockage pour reprendre leur place dans les vitrines et étagères...
Il est encore tôt. Si je me dépêche, je pourrais assister au cours de boxe. La salle est à une dizaine de minutes à pied d'ici, du côté de Regent's Park. Juste le temps de préparer mon sac. Je décide de me passer un peu d'eau sur la figure. Je constate alors le bordel qui règne dans la petite pièce. Visiblement, Sherlock n'a pas jugé utile de se servir de celle plus spacieuse, du premier étage. Il a réussi à mettre un foutoir digne d'un ado de 15 ans... Je ramasse les serviettes mouillées qui traînent et les étends sur la barre appropriée.
Ça me dépasse. Il est capable d’être d’une maniaquerie maladive pour des choses anodines – comme la disposition de ses chaussettes – range sa chambre et la nettoie comme si c’était un appartement témoin, et pourtant, le lieu où il vit vraiment, le salon et la cuisine – accessoirement les lieux que l’on partage – il les transforme en un capharnaüm infâme.

Je suis fatigué.
Hier encore, le monde me semblait solide. Avec des socles, des points d'attaches. Terne, triste parfois, mais solide. Aujourd'hui je marche sur des sables mouvants, piégés. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'un coup du sort a volé les points cardinaux, supprimé la gravité, changé les règles du jeu, les règles de la vie et de la mort. Mes émotions fluctuent trop vite pour que je puisse les identifier.
Je sais que je suis heureux.
Heureux et terrifié.

Je décide de dîner au retour du sport. Cogner le ventre vide me paraît mieux qu'être pris de nausée en plein combat. J'ai toujours une impression désagréable de flottement dans l'estomac. La cause n'a rien de physiologique. Là, elle s'agite dans le salon.
— Utilise ma machine si tu as besoin, le mot de passe c'est...
À son air contrit, je me tais.
— Je n'ai pas regardé tes données personnelles ! Dit-il précipitamment. Je me suis déconnecté de ton compte mail ! Je n'ai rien lu ni vu, en tout cas, rien de volontaire...
— Je sors. Je reviens dans deux heures. Si tu as faim, il y a de quoi manger dans le frigo.
— Je préfère t'attendre. Je veux peaufiner le document à remettre à Lestrade et en préparer un pour ton amie journaliste. Une version quasiment exhaustive du décès de Moriarty. J'aimerai ton avis...
— Je lirai ça en rentrant.
J'attrape mon sac par la anse de toile rouge que je passe autour de l'épaule et me précipite dans les escaliers. J'ai très envie d'être dehors.
Loin de lui.
Loin de cette agitation.

Le pas de Sherlock me suit dans ma lancée. Arrivé à la porte, je me retourne et le regarde, franchement curieux.
Il reste là, silencieux, perché sur la dernière marche de l’étroit escalier, à demi dans la pénombre. Il se dandine un peu, hésitant. C'est instinctif, je lui souris. J'ai remarqué depuis hier qu'il est visiblement agité à l'idée que je sois en colère après lui, que je lui en veuille. Quelque part dans sa caboche de génie, il y a une partie de son cerveau qui éprouve de la culpabilité. Il sait que ça a été dur. Très dur. Inconsciemment au moins, je pense. Enfin, je ne suis pas psy. Et mon opinion sur la discipline s'est grandement détériorée au contact de ma thérapeute.
Le silence s'étire encore un peu.
Il s'approche d'un pas. Puis d’un autre.
Suffisamment pour pénétrer dans mon espace. Sherlock a toujours eu une certaine difficulté avec le concept d'espace personnel. D'intimité.
— Je vais à la boxe.
Je précise. Parce que ce silence me trouble. L'éclairage faiblard qui coule de l'escalier suffit pour glisser sur l'iris translucide de Sherlock et lui donner un éclat étrange. Animal.
— Je sais.
À peine un murmure.
— Je reviens.
C'est con. Je chuchote. Quand quelqu'un parle à voix basse, je me sens obligé de répondre en ajustant mon volume.
— Je sais.
Soudain, il se penche et m'embrasse sur la joue. Surpris, je me raidis. Pas le temps de commenter ou tenter d'analyser son comportement. Il s'écarte, me regarde et cette fois, m'embrasse.
Sur les lèvres.
Un baiser, franc, appuyé, un peu maladroit.
— À tout à l'heure.


All of a sudden... the sky is falling, illustration de Anne Jacques

3 commentaires:

  1. C'est balèze et super bien étudié dis donc. ^^
    J'aimerais bien avoir la vivacité d'esprit de Sherlock...

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  2. Le problème est que la vivacité d'esprit s'accompagne d'un certain soucis d'empathie :)

    Ca rend le personnage fascinant mais totalement barré !

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  3. oui je suis sidérée, c est trés bien vue ça pourrais bien ce passer comme ça le génie s'accompagne généralement par un brin de folie mais j'ai trouvée la tension entre les deux amis ( de coeur ) très bien rendue. superbe bravo et a mercredi prochain
    MERCI

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Marianne